- ARITHMOSOPHIE
- ARITHMOSOPHIEARITHMOSOPHIEMoyen de connaissance ésotérique ou suprarationnelle, l’arithmosophie, ou science symbolique des nombres, considère non les nombres arithmétiques mais les nombres symboles, jugeant que les premiers ne possèdent pas de lien intérieur avec l’essence des objets auxquels ils se rapportent, tandis que les seconds, doués de signification ou de force symbolique, expriment une union essentielle qu’ils ont avec leurs objets. Par exemple, l’ensemble des neuf Muses n’aurait plus la même vertu synthétique si elles étaient huit ou dix, alors même que chacune garderait des caractéristiques semblables.Ce qui fonde l’arithmosophie, c’est la croyance en une nature vivante, l’idée selon laquelle il n’y a pas de coupure entre le monde matériel et le monde spirituel. Aussi considère-t-elle les nombres comme des étapes dans la progression vers l’Unité, alors que l’arithmétique les définit comme un ensemble d’unités. En fait, l’arithmétique s’occupe plus des chiffres que des nombres, lesquels sont comme des instruments parfaits de connaissance, des intermédiaires entre le sensible et le suprasensible, des enveloppes invisibles ou encore des supports de médiations permettant de saisir la relation des choses au Tout. Substances, les nombres sont aussi substantiels entre eux: passer de l’un à l’autre revient à former de nouveaux rapports en partant de l’Unité. Tout étant lié comme les marches de l’échelle de Jacob, comme les maillons de la chaîne d’or d’Homère, tout étant relié à tout comme autour de l’anneau de Platon, il n’y a plus de coupure entre l’homme microcosme et le grand livre de la Nature, entre celui-ci et le divin.On peut, à propos du pythagorisme, parler d’arithmosophie; la tétraktys , ou quaternaire mystique, occupe une grande place dans l’enseignement de Pythagore. De même pour Platon, les nombres représentent le plus haut degré de connaissance; son Timée , mais aussi les œuvres de Nicomaque de Gérase et celles de Jamblique distinguent le nombre-idée et le nombre scientifique. Après l’écroulement de l’Empire romain d’Occident et la conquête de l’Égypte par les Arabes, l’ésotérisme géométrique se transmet par les tracés des architectes, les «pentacles» de la magie; il connaît un bel essor dans la symbolique romane, inspire les kabbalistes chrétiens sous la Renaissance, avant de trouver de nouveaux théoriciens au XVIIIe siècle, avec Louis Claude de Saint-Martin surtout. Les loges maçonniques, particulièrement à partir de cette époque, s’occupent activement de la science des nombres. Un rêveur tel que Senancour la popularise. Joseph de Maistre écrit dans Les Soirées de Saint-Pétersbourg : «Ôtez le nombre, vous ôtez les arts, les sciences et, par conséquent, l’intelligence. Ramenez-le: avec lui reparaissent ses deux filles célestes, l’harmonie et la beauté; le cri devient chant , le bruit reçoit le rythme , le saut est danse , la force s’appelle dynamique , et les tracés sont des figures .» Il est remarquable que des théosophes (par exemple, Thomas Lechleitner ou Eckartshausen), peu après la publication de la Critique de la raison pure (1781), aient tenté de combler par les nombres le fossé kantien qui sépare le phénomène du noumène; il n’y a peut-être pas très loin de leur entreprise à l’arbre séphirotique de la kabbale juive. D’autant que l’arithmosophie ne comprend pas seulement la science des nombres proprement dite mais évidemment aussi une géométrie mystique dont on retrouve les éléments essentiels sous la forme d’innombrables symboles sacrés, au sein des architectures religieuses comme dans les rituels maçonniques.L’Ancien et le Nouveau Testament, par exemple, où les nombres ne semblent jamais arbitraires, renferment une arithmologie très élaborée, dont on retrouve les structures non seulement dans toutes les traditions mais jusque dans la physique et la psychologie modernes. «Il nous a fallu, écrit Matila Ghyka, attendre l’établissement de la théorie des ensembles de Cantor-Russell pour redécouvrir que le chiffre 2, le nombre 2, la dyade ou le couple, et l’idée de dualité étaient des choses bien différentes» (Le Nombre d’or , Paris 1952). C. G. Jung a été l’un des premiers à signaler ces significatives rencontres et à montrer que le cerveau humain ne fonctionne pas seulement sur les principes de la logique aristotélicienne. De même, la structure intime de la matière, vivante et inorganique, révèle des structures numériques et géométriques que les hommes ont toujours incarnées sous des images diverses, dans leurs rêves, leurs mythes, leurs religions. On peut ainsi se demander si notre psyché ne reflète pas la structure même de l’univers.Synonymes :- numérologie
Encyclopédie Universelle. 2012.